Gonfaron, village dans le Livre
Peut-on visiter personnes et lieux sans envie, au retour, de partager le chemin parcouru en leur compagnie ?
"Gonfaron, village dans le Livre" est un de ces partages, un recueil paru aux Presses du Midi : 16 poèmes, cheminement au coeur du Var, du Livre de la Genèse au Livre de l'Apocalypse, à partir de 16 photos de Julien Babilon, photographe.
Ce recueil est une invitation à la promenade, un moment de douceur donné comme ces rencontres imprévues faites au bord du chemin et qui se prolongent par un désir de parler ensemble de la vie, de partager un repas ou une conversation contre la solitude. De ces rencontres naissent parfois une amitié fidèle et patiente que l’absence n’atteint pas.
Cela se passe à Gonfaron, village au coeur du Var sur la route de Toulon, niché au pied du massif des Maures à quelques lieues de la mer ; mais aussi dans tout village que l’on peut visiter, aujourd’hui ou demain, où notre passage deviendra prière grâce à la rencontre de l’ami, au dépassement de l’habitude, à l’écoute de la nature, au don qu’elle fait à ceux qui parlent à voix basse dans les bruits du monde.
Trois fils s’entrecroisent à la trame du Livre, de la Genèse à l’Apocalypse : les photographies de Julien Babilon qui sont de véritables touchers de l’œil, la nature offrant son langage au-delà de ce qui se laisse voir, et le poème témoin de la richesse sensuelle du don. L’histoire se tisse, peu à peu, déplace le regard et promet aux lecteurs attentifs une rencontre aussi belle qu’inattendue !
Extrait :
IX) Chapeau dans la vigne
Photographie©Julien Babilon
Je voudrais bien aller aux champs glaner des épis, derrière quelqu’un qui me considèrerait avec faveur.
Rt2, 2
Ruth s’est installée dans le champ de la douceur,
glanant et cueillant.
A la table des travailleurs de la maison,
elle a mangé et bu.
Cela est devenu au quotidien, son lot de joie et d’espérance
Autour du village,
il y a les vignes et ceux qui travaillent aux fruits de la terre.
Pour la femme, ici, le lot,
c’est la terre sèche,
la tête couverte inclinée dans les sillons,
le dos rompu, les jambes lourdes.
Vers le soir, elle prépare le repas,
dresse la table,
coupe le pain, verse le vin.
Plus tard, quand la nuit tombe enfin,
baignant dans le silence la maison,
sa fatigue s’élève.
Elle devient mésange sur le rebord de la fenêtre,
dans l’attente des miettes du Jour
qu’elle mangera dans Sa main.